23 mars 2017
Le fact-checking, à l’épreuve des faits
Desintox à Libération, Decodex au Monde ou le Vrai du Faux de France Info… le fact-checking tend à s’imposer dans différents médias français pour contrer la montée des fake news. A travers des ateliers et tables-rondes, les participants des 10e Assises du journalisme à Tours sont régulièrement revenus sur ce concept encore récent en France. Et semble-t-il très discuté.
« Nous sommes sur un terrain mouvant, sur une dimension à la fois journalistique et citoyenne », explique Jérémy Nicey, maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication et directeur des études à l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT). « Avec de nombreuses questions qui se posent : « doit-on parler de fake news ou de false news », en références aux nouvelles fabriquées ou fausses ? Sommes-nous face à une tendance ou à un phénomène qui perdurera ? Et qui a autorité en la matière ? »
Autant de questions qui n’ont à ce jour, pas forcément trouvé de réponses. Pascal Froissart (Laboratoire CEMTI – Université Paris 8) explique d’ailleurs que « de nombreuses définitions sont débitées par le monde académique mais pour le moment, elles partent dans tous les sens. Car le concept est encore très récent ». Il ajoute que ces false ou fake news restent rares. Mais elles sont très frappantes surtout si elles sont reprises par un président américain ou un candidat à la présidentielle française ».
Vrai, faux ou imprécis ?
Maître de conférences associé en Sciences de l’Information et de la Communication à l’EPJT, Laurent Bigot travaille depuis quelques années sur ce sujet. Son terrain de jeu ? Les médias français et la parole politique. « C’est une des facettes du fact-checking qui consiste à contrôler l’exactitude des informations et la cohérence des propos délivrés par les hommes politiques », souligne-t-il. De façon concrète, le journaliste « vérifie s’il y a quelque chose à redire sur telle ou telle phrase. Ensuite, il livre une sorte de verdict : est-elle ‘vraie’, ‘fausse’ ou ‘imprécise’ ? »
Des limites
Au-delà de la vérification de l’information – laquelle, faut-il le rappeler représente un concept de base de l’exercice journalistique – le fact-checking « démontre la capacité du journaliste à reprendre la main face aux politiques et à se distinguer d’eux dans un contexte où l’on parle souvent de classe médiatico-politique ». Le chercheur pointe toutefois quelques limites à ce genre journalistique, liées notamment à la relative jeunesse du concept en France : « le fait que des articles fact-checkés et d’autres qui ne le sont pas continuent de cohabiter dans des médias, y compris ceux qui font du fact-checking » en est une. Au même titre qu’un niveau de l’organisation interne des rédactions, les fact-checkers sont rattachés au service web et donc le souvent plus coupés du service politique ».
« Non, ce n’est pas le cas chez nous », réagit Pascale Moullot, journaliste à LibeDesintox. « Nous échangeons facilement. Après est-ce que l’on vérifie ce qui est écrit dans nos colonnes ? Je ne l’ai jamais fait ». Sur sa pratique, elle souligne surtout la difficulté de sélectionner l’information à fact-checker. « Nous nous demandons toujours si nous n’allons pas mettre en lumière un élément que finalement personne n’a vu passer… »
Fact-checking collaboratif
S’il éprouve encore des difficultés à apporter une contradiction solide à la parole politique, le fact-checking « tend à faire regagner de la crédibilité au travail du journaliste », conclut Laurent Bigot. L’une des pistes pour l’augmenter davantage réside dans le fact-checking collaboratif avec des initiatives comme CrossCheck qui fédère le travail de vérification de plusieurs rédactions. Ou le Factoscope créé par les étudiants de l’EPJT. Vous pouvez vérifier…